Monde Libre
Pékin censure le terme « censure » sur les réseaux sociaux chinois
L’administration chinoise durcit le ton. Depuis plusieurs mois, la censure gouvernementale multiplie les interdictions d’utiliser certains mots sur Internet et notamment sur Sina Weibo, le site de micro-blogging chinois. Parmi ces dernières interdictions, les mots « démocratie constitutionnelle », « grève » ou de manière plus insolite « flashmob ». Des termes qui ont été « harmonisés » (censurés) comme le dit le pouvoir de Pékin. Mais aujourd’hui, cette censure prend un nouveau tournant puisque les dirigeants du parti communiste chinois ont récemment décidé de bloquer le mot « censure » lui-même sur Weibo, obligeant ainsi les internautes à faire preuve d’ingéniosité. Décryptage.
Pour qui tape « wǎng jìn » (censure sur Internet) sur Weibo, le résultat est instantané : une fenêtre d’erreur qui affiche un cinglant message « 0 résultat » ou une redirection automatique vers une photo de chaton mignon sous lequel apparaît le mot « désolé » en anglais. La conséquence de la dernière action des censeurs de Pékin qui surveillent comme Big Brother ce qui se dit et s’écrit sur le net. En effet, depuis des mois, les messages séditieux publiés sur le Web sont rapidement “harmonisés” (censurés) par l’administration qui les purge de toute mention interdite, avec une efficacité rare.
Pour Ming, 27 ans et expatrié en France depuis 2011, il s’agit d’une volonté de bâillonner l’opinion publique : « On est dans un genre d’ultra-censure. Les dirigeants du parti censurent tout discours un peu critique à leur égard. Mais si en plus ils nous empêchent de parler de leur censure… Là c’est la pente glissante. C’est quoi la prochaine étape ? Nous retirer l’ensemble du dictionnaire pour qu’on ne puisse plus rien dire ? »
Trouver un subterfuge
Pour tenter de contrer cette censure du mot « censure », les internautes chinois pourraient bien inventer un nouveau code comme ils l’ont déjà fait avec la date interdite du “4 juin”, anniversaire des événements de la place Tian’anmen, qui est devenue, pour les initiés, “35 mai”. « Pour parler de censure sur Weibo, on pourrait très bien se rabattre sur le mot “brioche” ou “voiture” », commente Laoshi108, un utilisateur du réseau social. « Tout le monde aime les brioches et les voitures ! Le pouvoir ne peut pas supprimer comme ça de notre langage ces choses dont tout le monde parle en Chine », ajoute-t-il.
Mais les autorités chinoises sont sur le pied de guerre pour empêcher tout acte de contestation, qu’il soit physique ou virtuel, sur Internet et les réseaux sociaux. Les censeurs de Pékin, en prévision d’une telle tactique, à laquelle ils sont rôdés, ont déjà pris les devants en « harmonisant » déjà près de 450 mots de tous les jours comme « canard », « rue » ou encore « soleil ». Soit autant de termes qui ne pourront plus servir à désigner la censure qui sévit actuellement dans l’empire du milieu.
La Rédaction
Illustration: Flickr / Antje