Les Editos
« Je ne suis pas dopé, je suis juste ‘différent’ » par Christopher Froome, coureur cycliste
« Depuis plusieurs jours, depuis le début du Tour, je suis calomnié. Mes performances sportives sont montrées du doigt. Aujourd’hui je veux rétablir la vérité. Non, je ne suis pas dopé. Je suis juste quelqu’un de différent. » Christopher Froome s’explique dans un long édito sur sa « différence » et sa « singularité ».
Une différence qui ne se voit pas au premier abord. Une différence qui n’est pas dans la couleur de peau. Mais une différence qui est au fond de moi, depuis toujours. J’ai appris à vivre avec cette différence, il y a très longtemps. Des personnes m’ont aidé, m’ont montré que je pouvais être différent tout en réussissant à m’intégrer dans cette société qui ne supporte pas ce qui lui est étranger. J’ai eu la chance d’avoir été pris en charge par un homme qui a su détecter cette différence. Il disait que je n’étais pas le seul, je n’étais plus le seul.
Toutes ces années durant, j’avais vécu dans la peur, la honte, de rouler trop vite. Et voilà qu’un homme arrivait et me prenait par la main. Dans son manoir, il avait réuni d’autres personnes, qui comme moi, étaient « différentes ». Des parias, des renégats, rejetés de la société car « pas comme les autres », une société qui se refusait à admettre que l’évolution génétique était en marche. Car nous sommes l’étape suivante de l’évolution humaine. Nous sommes des mutants.
Bien que lourdement handicapé, M. Charles Xavier nous a appris à dompter nos pouvoirs respectifs, à les appréhender et à les maîtriser. Il affirme que nous autres, mutants, et l’Humanité, nous pouvons coexister. M. Xavier est un homme foncièrement optimiste. Mais depuis que je suis sur le Tour, je ne vois que crachats et insultes. Je ne sais pas si l’Humanité veut réellement nous accepter. Pourtant Charles est sûr de lui. Il me l’a répété encore mentalement hier, il me le répète mentalement encore à l’instant où j’écris ces lignes : il faut que j’aie confiance en l’être humain.
Aussi, je vous le dis, n’ayez crainte. Et surtout, gardez bien en tête que je ne suis pas le seul. Nous sommes nombreux. Mais je ne tomberai pas dans le piège de cet autre leader mutant que je croise de temps en temps, qui, lui, reste persuadé qu’une guerre est inévitable entre mutants et humains, que vous ne supporterez pas d’être une espèce en voie de disparition, que vous nous parquerez, nous marquerez, que cela est inévitable. C’est déjà arrivé et cela recommencera, ne cesse-t-il de répéter. A-t-il raison ? Je n’ose le croire.
Je refuse de croire que nos deux espèces ne peuvent coexister. Mais je veux pouvoir continuer à rouler sur ce Tour de France en brandissant fièrement ma différence. Mutant et fier.
Christopher Froome